Histoire de la surdité, de la langue des signes
et de la culture sourde

 

 
 

Regards sur les sourds dans l'Antiquité

Pour Aristote, les sourds ne sont pas éducables car ils ne peuvent constituer une langue et donc concevoir des idées raisonnables.

  • "Les sourds de naissance sont également tous muets, ils émettent des sons mais n'ont pas de langage." Des animaux, Livre 4.

  • "Les aveugles sont plus intelligents que les sourds de naissance". De Sensu, 437b.
     

Platon est plus mesuré, il conçoit un langage gestuel possible.
 

  • "Si nous n'avions point de voix ni de langue et que nous voulions nous montrer les choses les uns aux autres, n'essayerions-nous pas comme le font les muets de les indiquer avec les mains, la tête et le reste du corps". Le Cratyle, 34.

Saint Augustin s'intéresse beaucoup à l'éducation des sourds et à leur converson chrétienne et note la variété des sensations que l'ont peut transmettre par les gestes.
 

  • "N'avez-vous pas vu comment les gens entretiennent une sorte de conversation par gestes avec les sourds et de la même façon comment les sourds-muets posent des questions et répondent, enseignent et indiquent tous leurs désirs. De la sorte sont décrites les choses visibles mais auussi le son et des choses du goût...?" De magistro, chapitre 3.


Selon l'Evangile de Marc, 7, 32.
 

  • "Et on lui amène un sourd qui de plus parlait difficilement et on le prie de lui imposer la main. Le prenant hors de la foule à part, il lui mit les doigts dans les oreilles et avec sa salive lui toucha la langue. Puis levant ses yeux au ciel, il poussa un gémissement et lui dit : "ephphatha" ce qui veut dire "ouvre-toi". Et ses oreilles s'ouvrirent et aussoitôt le lien de sa langue se dénoua et il parla correctement".
     

Le Moyen Âge et les sourds

Enluminure du Canon d'Avicenne traduit par Gérard de Crémone (Ière partie du XIIIème siècle)


 

   Les sourds sont sans doute assez bien intégrés dès lors qu'ils peuvent travailler. Quand les documents veulent bien le préciser, des sourds sont identifiés dans toutes sortes de métiers : apprenti foulon à Tours, bouchers, laboureurs, servantes, portiers, religieux ou simplement mentionnés comme opere, travaillant.

   "Polilia était sourde-muette de Périgueux venue à Rocamadour déjà depuis longtemps et demeurant avec Julienne la pauvre. Elle mendiait ici et là  sa nourriture. D'ordinaire, elle se tenait sur le seuil des maisons de la ville, la main posée sur la porte jusqu'à ce que les gens pris de pitié lui eussent donné quelque chose". Les miracles de Notre-Dame de Rocamadour.

   Au Xème siècle, des communatés telles que l'abbaye bénédictine d'Ossiach en Autriche ou Bouxières-aux-Dames en Lorraine sont dotées pour l'entretien des sourds-muets.

Les premiers dictionnaires des signes

   Les congrégations religieuses observant la règle du silence composent très tôt, sans doute avant même le Xème siècle, des dictionnaires des signes.

   Le modèle de Cluny circule à partir du Xème siècle dans les abbayes bénédictines européennes. Chaque communauté l'étoffe selon ses besoins et de multiples variantes voient le jour.

   Un historien hollandais a recensé dans les coutumiers des ordres bénédictins 1300 signes différents. Ils étaient classés par thème : la nourriture, les vêtements, le travail... mais aussi les idées et les actions.

Les Humanistes s'intéressent aux langues gestuelles



   Léonard de Vinci : "Les figures des hommes ont des actions proprres à leurs opérations de sorte qu'en les voyant, tu entends ce qu'ils pensent et ce qu'ils disent. Ceux-là seraient bien enseignés qui imiteraient les mouvements des muets qui parlent avec les mouvements de leurs mains et des yeux et des sourcils et de toute leur personne, dans leur volonté d'exprimerle concept de leur âme. (...) Les muets sont les maîtres en matière de mouvement : ils entendent de loin de quoi quelmqu'un parle, quanbd celui-là accompagne ses paroles des mouvements de ses mains". Traité de la peinture, chapitre 15.

   Michel de Montaigne : Les muets disputent argumentent et content des histoires par des signes, si souples et formés à cela que vérité il ne manquoit rien à la perfection de se scavoir faire entendre.
Ce n'est pas seulement pour n'avoir pu recevoir l'instruction de la parolepar les oreilles mais plutôt pour ce que le sens de l'ouïe duquelils sont privés, se raporte à celui de parler et se teinnent ensemble par une culture naturelle. Essais, Livre II, chapitre 12.


L'éducation des sourds avant l'abbé de l'Epée

   Les premiers percepteurs connus d'enfants sourds :
   Pedro Ponce de Léon : Moine d'un monastère bénédictain d'un monastère proche de Burgos enseigne l'écriture puis la parole aux enfants d'une famille de grands d'Espagne, les Velasco, vers 1545. Sa méthode est basée sur une dactylologie.


 



   Conrad Amman : médecin d'origine suisse installée en Hollande écrit en 1692 Le sourd parlant. Refusant tout recours au gestuel, il impose à ses élèves un apprentissage de laparole, une démutisation et montre que les cordes vocales des sourds sont intactes, qu'ils peuvent parler pourvu qu'on leur apprenne.   
 



 

   Etienne de Fay (1669-1750) : Né sourd en 1669 à Paris dans une famille noble, Etienne de Fay est relégué à l'Abbaye des Prémontrés d'Amiens où il reçoit une instruction très élaborée.
Féru de mathématiques et d'architecture, il est chargé de dessiner les plans d'une nouvelle abbaye pour sa communauté.
Il a tenu là jusqu'à sa mort vers 1750 une école pour les enfants sourds de la noblesse auxquels il enseigne toutes les disciplines dans une authentique langue des signes. Avec l'abbé de l'Epée, il incarne un idéal pédagogique pour de nombreux sourds.


 



 

Charles Michel de l'Epée (1712-1789)

   Il est né à Versailles le 24 novembre 1712.  Son père est architecte des bâtiments du Roi. Il se destine à l'état ecclésiastique mais il est freiné dans sa carrière par ses convictions jansénistes. Enfin ordoonné prêtre en 1736, il ne peut exercé son ministère.
   Par hasard, en 1760, il rencinbtre dans une maison de la rue Fossés-saint-Victor, deux soeurs jumelles sourdes muettes qui communiquent en signes.
   Il décide de se consacrer à leur éducation et construit avec elle une langue gestuelle dite des signes méthodiques.
   Il parvient à constituer un école dans sa maison rue des Moulins, où il enseigne à des enfants sourds selon cette méthode qu'il perfectionne.
   Il organise des leçons publiques pour divulguer sa méthode auprès des élites parisennes. Il est invité à Versailles, des souverains européens viennent l'observer.
   Vers la fin de l'année 1789, gravement malade, il reçoit de l'assemblée constituante l'assurance que l'Etat prendra en charge son école.
   En 1794, l'école est transférée dans l'ancien couvent Saint-Malgoire, rue Saint-Jacques où elle devient institution nationale des sourds et muets de Paris.
   Biographie

 



 

L'abbé de l'épée et l'école de la rue des Moulins,
Berceau de l'institution nationale des jeunes sourds de Paris


L'institut national au XIX ème siècle

   Au début du XIXème siècle, Bébian et Sicard, professeurs de l'institut donnent un statut d'enseignement à la langue des signes qui s'élabore dans l'école. Bébian tente de lui donner une forme écrite mais il ne peut terminer sa tâche. 

   1799-1804, Le docteur Jean-Marie Itard observe et tente de soigner Joseph, enfant sauvage de l'Aveyron.


 


 



   En 1816, Laurent Clerc, professeur à l'institut, accompagne T.H Gallaudet aux Etats-Unis pour fonder la première école pour enfants sourds et exporte la langue des signes sur le continet américain où elle se développe rapidement.

 

Laurent Clerc                                                     T.H. Gallaudet

 







Le congrès de Milan (1880) et
l'interdiction de loa langue des signes


   Entre 1830 et 1880, eiste un contrôle croissant de l'Etat dans les écoles où l'oralisme fait des émules. Les enseignants sourds sont progressivement dépossédés de leur poste stratégiques et évincés des Conseils d'administration où se prennent les décisions importantes. Dans ces structures, l'idée s'impose qu'un enfant sourd ne peut accéder à la connaissance que par la langue orale.
En 1880, lors du congrès de Milan, la décision d'interdire la langue des signes comme langue d'enseignement et de communciation dans toutes les écoles pour enfants sourds en Europe est prise.

"Considérant l'incontestable supériorité de la parole sur les signes pour rendre le sourd-muet à la société et lui donner une plus parfaite connaissance de la langue, déclare :

  • Que la méthode orale doit être préférée à celle de la mimique pour l'éducation et l'instruction des sourds muets.
  • Que le moyen le plus naturel et le plus efficace par lequel le sourd parlant acquerra la connaissance  de la langue est la méthode objective, celle qui coànsiste à désigner d'abord la parole puis par l'écriture, les objets et les faits mis sous les yeux ces élèves.
  • Que dans leur conversation, les sourds muets ne se servent que de laparole.
  • Que les élèves nouvellementt  venus dans l'école  forment une classe à part, dans laquelle l'enseignenemtn ne sera donné que par la parole.
  • Que ces élèves soient absolment séparés des autres sourds muets qui étant trop avancés ne peuvent plus être instruits par la parole et dont l'éducation sera terminée par signes."

Le secrétaire général Pascal Fornani
Le président, Jules Tarra

 


Au cours du XXème siècle : exclusion et eugénisme

   En 1922, une loi est votée aux Etats-nis autorisant la stérilisation des sourds.
   En 1923, en Allemagne le Directeur de l'oragnisation des enseignants spécalisés demande que la "surdité soit examinée à la lumière de la génétique moderne".
   En 1925, un projet de la loi envisage la stérilisation forcée des "sourds héréditaires".
   En 1933, avec l'arrivée au pouvoir d'Hitler "la loi pour la prévention d'une descendance héréditairement malade" permet la stérilisation de 15 à 16000 sourds.
   En 1935, cette loi est augmentée d'une annexe qui permet l'avortement forcé et la stérilisation obligatoire de toutes les femmes "héréditairement malades" et incluait les personnes sourdes, schizophrènes, maniaco-dépressives, épiléptiques, aveugles, malformées, ou atteintes de retard mental.
   Entre 1940 et 1942, on a retrouvé la trace de 1600 sourds exterminés dans les camps d'Hadamar, Sonnestein et Grafeneck.

   1880 - années 1970, les enfants sourds restent pour la plupart illettrés et les adultes exclus de la société.
   1975 : Congrès mondial des sourds à Washington, la délégation française découvre une communauté sourde américaine puissante, intégrée, instruite, revendicative, où les ravages de l'oralisme sont inconnus.
   1976 : Création du centre IVT (International Visual Theatre) à Vincennes par Alfredo Corrado, acteur américain sourd et Jean Grémion, metteur en scène. IVT devient un centre de recherches pour une expression théâtrale sourde.

   1991 : Loi Fabius, les parents d'enfants sourds peuvent choisir la langue d'enseignement la plus appropriée pour leur enfant, le français oral ou écrit (oralisme) ou LSF et français oral et écrit (bilinguisme).
   1993 : Emmanuelle Laborit, actrice sourde, gagne le "Molière" pour son interprétation dans Les Enfants du Silence. Elle publie peu après un ouvrage autobiogrpahique Le cri de la mouette


 



   1994 : Emission hebdomadaire L'oeil et la main sur Arte permet une meilleure connaissance de la culture sourde.
   13 février 2002, Conférence de presse de Jack Lang annonçant l'officialisation de la LSF comme langue d'enseignement à l'école.
   Mais la situation scolaire, sociale et professionnelle des sourds reste encore problématique.

 




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