Conférence de Yann Cantin, doctorant en histoire
Samedi 19 mai 2012
Yann Cantin a fait des recherches sur l'école de Nancy (La Malgrange) et précise qu'il existait une école pour sourds à Epinal, mais qu'elle a fermé à cause du manque de transport.
Avant de se lancer dans la lecture de cette conférence, il est nécessaire d'être conscient que les recherches sur le monde de la surdité sont récentes, une trentaine d'années seulement. Donc une vision globale de la société sourde n'est pas encore possible.
De l'Antiquité au Moyen-Âge
Ce qui peut paraitre étonnant sous l'Antiquité et le Moyen-Âge, c'est que les sourds sont parfaitement intégrés dans la société. La situation des sourds de l'époque est différente de celle d'aujourd'hui. Ils font des choses que les sourds ne font plus aujourd'hui. Les sourds ne sont pas revendicatifs.
Exemples:
Quintus Pédius, né sourd dans une famille noble de Rome (cousin de l'empereur Auguste), reste dans sa famille et devient peintre.
Egels, lutteur grec qui participe aux JO. Il est reconnu capable de "jouer".
Joan Stewart (fin du MA), grandit dans un cloître et met en place une langue des signes. Les sourds ont des compétences. Ils ne sont pas opprimés.
Saint Augustin, à la fin de l'empire romain, parle d'une famille sourde de Milan dans sa correspondance avec Saint-Jérôme.
Des moines sourds
L'accès à la charge de moine est autorisé par le pape Innocent III (ancien moine) en 1200 (mais il en existe avant). Dans une société où il n'y a pas d'accès à l'oral, à cause du voeu de silence, les personnes sourdes sont bien acceptées. Les personnes riches, parents d'un sourd, confiaient généralement l'éducation de leur(s) enfant(s) aux moines. Petit à petit, la messe se dit en langue des signes, les sourds peuvent devenir moine, ils se confessent et peuvent confessés. Il est admis que les sourds et les entendants peuvent se marier. Yann Cantin emet plusieurs hypothèses sur le développement de la vie des sourds et de leur enseignement.
Avant la Révolution française, comment vivent les sourds?
Ils ont une vie simple, ne sont pas enfermés. Mais leur situation est différente à la ville et à la campagne. En effet, à la campagne, ils peuvent être considérés comme les "idiots des villages". En ville, une culture sourde se développe et un mode de communication se met en place.
Les métiers que les sourds pouvaient pratiqués sont divers, ils ne se cantonnent pas à un corps de métier. Ils peuvent être cantonnier, marchand ambulant, artisan, porteur d'eau... car il existe une communication gestuelle qui se transmet.
Ex: En 1779, il s'est passé des événements importants en Chine, et des traductions ont permis aux sourds de se tenir au courant.
A l'époque il y avait de nombreux mendiants, tout comme les entendants. Certains d'entre eux se retrouvaient à l'asile car la mendicité était interdite.
La LSF a une origine urbaine. Les gens des campagnes se déplacent à la ville pour trouver du travail. La ville est considérée comme un lieu d'échange. A Rome à la fin du Moyen Âge, il y avait environ 1 million de personnes, donc à peu près 10000 sourds, c'est-à-dire 5 à 10% de la population. Parmi ces 10000 sourds, environ 5000 signants (développement d'une gestuelle).
Pour Montaigne (Essai, Livre II, chapitre XII (1580-1582)), qui vit en ville au contact des sourds, la langue des signes est une vraie langue. Dans son livre en 1532, il écrit que les sourds ont une langue et qu'ils peuvent argumenter grâce à elle.
Le développement de la langue des signes s'est fait en parallèle de la langue française, puis elle s'est diffusée.
La Renaissancees est la période de la découverte des capacités du sourd muet. Jérôme Cardan se pose la question de savoir si le sourd a des compétences malgré le manque des savoirs "lire et écrire". Jérôme Cardan est un ami de Léonard de Vinci. Ce dernier a lui-même un ami sourd (peut être Christophe de Predis qui a vécu à Milan entre 1445 et 1490). Léonard a embauché ce sourd, c'est un de ses disciples.
A la Renaissance, les artistes sont reconnus
Bernardino du Betto di Pintunichio (1453-1513) vient de Sienne (Italie). C'est un peintre célèbre qui a peint toute la fresque de l'appartement de Brugio à Rome. Il fait partie de l'école de Sienne.
Juan Fernandez de Naucerette (1526-1579) de Madrid.1834 : Communauté de sourds muets
1836 : Société centrale des sourds muets
1867 : Société universitaire des sourds muets
Après Milan, les témoignages écrits de sourds qui revendiquent la langue des signes tiennent 20 jours, puis les sourds ont arrêté d'écrire.
En 1880, l'oralisme est décidé au congré de Milan.
En 2 ans : démutisation
En 2 ans : apprentissage du français
En 2 ans : apprentissage d'un métier
A 12-14 ans les sourds connaissent et pratiquent un métier simple.
Déclin culturel !
Présentation de Claudius Forestier : Aucun élève sourd ne parle correctement et aucun n'a une bonne instruction.
Attention au discours médical : il faut soigner les sourds. Alfred Binet est orlaliste : éducation indviduelle et aucune éducation collective.
Le congré de 1911 veut un retour à la langue des signes, Gustave Baguer tolère la langue des signes officieusement.
Création d'un foyer, de refuges précaires : héritages et transmission de la langue des signes.
Vie associative abondante:
Congré de 1912, 200 ans après l'Abbé de l'Epée. Différentes associations se rassemblent, les sourds se déplacent beaucoup. Mais il y a un problème, car il n'existe pas de fédération ni d'accord entre les diverses associations.
Le sport sourd emerge en 1890, mais la première association ne date que de 1911. Puis il y a un déclin, les associations de loisir ne sont pas militantes. L'art décline aussi, l'identité varie il n'existe pas d'estime de la langue des signes = déni. L'identité culturelle réapparait dans les années 1980, après un déni total entre 1950 et 1980. Aujourd'hui l'influence de l'oralisme dans la langue des signes existe = français signé.
Après la seconde guerre mondiale, on ne parle plus des compétences des sourds, mais de leur handicap. On parle de demi-sourds qui ont besoin de tuteur...
Fin des premiers vestiges (1960-1975)
Andrée saint Antonin (1922-2009) Fédération des sociétés de sourds muets.
Confédération des sourds de France
Les société et associations disparraissent au fil des ans et une seule confédération existe = UNISDA
Evolution depuis 40 ans
Conscience de la valeur patrimoniale des sourds
Réflexion sur la langue des signes
Efforts permanents
Changements profonds (1980-2010)
Etude de Bernard Mottez sur la communauté sourde (sociologue)
Développement de l'école bilinguiste dans les années 1980 (Association (2LPE)
Etudes linguistiques dans les universités (Cuxac, années 1980)
1995 : Congrès de Rodez, Basculement de la fédération, séparation des associations UNISDA et FNSF
Etude historique sur les sourds (association Etienne de Fay dans les années 1990)
Révolte de sourds profonds "sourds en colère" (1993-1998), contre les implants cochléaires.
Développement d'associations LSF
Réveil du mouvement artistique = IVT
Développement de nouveaux métiers pour sourds (professeurs...)
Emergence de chercheurs sourds (depuis une quinzaine d'années)
Problèmes actuels :
Intégration des enfants sourds isolés
Volonté de dépistage précoce
"Récupération"
Résistance au développement de l'éducation bilingue
Médicalisation accrue
Faiblesse d'unification de la communauté sourde
Faiblesse d'informations à la destination française
Manque de moyen
Conclusion :
"L'enseignement par la méthode des signes retrouvera un jour la faveur qu'il n'aurait jamais dû perdre, la mimique étant le miroir reflecteur de l'intelligence du sourds muet" Chambellan (1884)